Bloqueurs d’annonces, la mort de la pub ?

Industrie et annonceurs sur la brèche

Les « bloqueurs d’annonces publicitaires » (Ad-blockers) séduisent de plus en plus de consommateurs. Si le problème a bien été identifié par l’industrie, « il n’émerge aucun consensus sur qui en porte la responsabilité ou comment y remédier », déclare Shona Ghosh, reporter chez Marketing Magazine.

Retour de bâton

Pourtant, l’industrie a tout intérêt à trouver rapidement une solution, car le problème grandit.

Motivé par la décision d’Apple, l’an dernier, d’autoriser les extensions d’ad-blocking sur Safari dans iOS 9, l’IAB (Interactive Advertising Bureau ) a lancé son «LEAN Ads program » ; un ensemble de principes proposant un nouveau standard pour les annonces numériques.

LEAN, qui signifie « Light, Encrypted, Ad choice supported and Non-invasive ads », marque l’effort croisé des industriels et de l’IAB pour apporter une solution au problème du blocage d’annonces.

L’initiative représente un mea culpa. Beaucoup de professionnels de l’industrie – en particulier les marketeurs – se rendent bien compte que, si les utilisateurs choisissent de plus en plus de bloquer les annonces, il faut en blâmer l’écosystème en général. L’Ad Tech, acteur majeur de la publicité sur Internet, a accepté sa part de responsabilité mais a souligné que ce sont les éditeurs qui acceptent de publier des annonces intrusives sur leurs sites ; les agences et les marketeurs étant, pour leur part, responsables des mauvaises pratiques et des piètres créations.

Le directeur marketing de Post Office Pete Markey, a déclaré à la conférence annuelle ISBA: « Il y a eu beaucoup de publicités bâclées dans le passé : de mauvaises créations, placées aux mauvais endroits, qui ont en parti conduit à l’émergence de ce problème. Les gens évitent les contenus médiocres ou qui ne sont pas pertinents pour eux. Pour moi, en tant qu’annonceur, il s’agit de remonter la barre. »

Petite historique de l’escalade par les Suricates

Banner blindness, la hantise de l’annonceur

Le banner blindness est un processus cognitif qui conduit à la disparition progressive des bannières publicitaires (et de tout élément qui y ressemble) du champ visuel conscient de l’internaute. Ce processus est du à un phénomène d’accoutumance : l’œil et le cerveau évacuent ce qu’ils considèrent au mieux comme un contenu non pertinent, au pire, comme une agression visuelle.
Ce phénomène a été décrit pour la première fois en 1998 par Jan Panero Benway et David Lan. Souvent décrié, il a été confirmé ensuite par de nombreuses études .
Le résultat en est, bien sûr une baisse des scores d’impact.

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Logiciel d’eye tracking montrant le phénomène de banner blindness

C’est là que les choses se gâtent

Les annonceurs, soucieux de lutter contre le phénomène, se mirent à développer des trésors d’imagination pour que l’utilisateur ne puisse ignorer leurs annonces : couleurs criardes, .gif animés stromboscopiques, annonces imposées avant l’ouverture du site, fenêtres pop-ups apparaissant sur le contenu, bouton de fermeture invisible ou induisant l’utilisateur en erreur (la croix sert à ouvrir le site de l’annonceur, non à fermer la publicité), vidéos à démarrage automatique, publicités vous poursuivant sur la toile, …
Toutes les ressources de l’ergonomie web ont été utilisées à contre-emploi afin d’imposer ces annonces indésirables aux utilisateurs.

Et ce qui devait arriver, arriva

Une étude Adobe et PageFair sur le coût de l’Ad blocking en 2015 révèle que le nombre de personnes utilisant un software de blocage des publicités a augmenté de 41% sur un an.

  • Aux États-Unis, l’augmentation est de 48% portant les utilisateur actifs à 45 millions.
  • En Europe l’augmentation est de 35% portant les utilisateur actifs à 77 millions.

Prendre ses responsabilités

Parmi les questions que l’industrie doit résoudre il s’agit de découvrir qui est responsable des mauvaises annonces – éditeur, annonceur, réseaux publicitaires ou autres acteurs ?

Google et Yahoo, pourtant très dépendants des recettes publicitaires, ont récemment fait des efforts pour supprimer les annonces de faible qualité. En Janvier, Google a indiqué qu’il avait supprimé 780 mille «mauvaises annonces » en 2015, promouvant des logiciels malveillants, des produits contrefaits, ou menant à des sites d’hameçonnage (phishing).

Yahoo quant à lui, encourage les utilisateurs à signaler les mauvaises annonces. « Voilà le type de relation directe, qu’il faut avoir avec les consommateurs et voilà comment encourager leur engagement », dit Nick Hugh, vice président de Yahoo pour la région EMEA. Il a ajouté: «Je ne pense pas que nous ayons beaucoup de temps pour le comprendre, car une fois que le consommateur commence à bloquer les annonces, ils ne désinstallera pas le logiciel bloquant. »

Hugh a également soutenu que les bloqueurs d’annonces menacent la gratuité d’Internet. «Vous bloquez à l’échelle du réseau, mais en fait, à l’échelle de l’éditeur ou des biens proposés, certaines annonces sont une bonne chose. Si vous bloquez tout le monde, vous détruisez la valeur d’échange et l’écosystème [d’Internet] . »

« L’éducation des consommateurs ? »

En effet, lorsque l’industrie discute de la résolution du problème du blocage d’annonces, la nécessité de « l’éducation des consommateurs » est souvent évoquée ; en général sans qu’il y ait aucun consommateur dans la pièce !

Dans leur optique, les consommateurs ne comprennent pas pleinement le modèle économique de l’Internet, qui propose du contenu gratuit en échange d’annonces publicitaires et d’audience.

Mais les données recueillies sur le blocage d’annonces suggèrent qu’il s’agit d’un mythe. Dans ses FAQ sur les bloqueurs d’annonces, l’IAB dit avoir constaté que la plupart des consommateurs ne seraient pas prêts à désinstaller volontairement leur bloqueur d’annonces, même en sachant que la publicité finance le contenu proposé.

C’est peut-être pourquoi le New York Times, entre autres publications majeures, a eu recours à une pop-up demandant aux lecteurs de désactiver leur bloqueur d’annonce pour accéder aux contenus de son site ou bien de s’abonner (ce qui les expose tout de même à des annonces…).

Vers une (vraie) solution

Le consommateur n’a jamais vraiment compris comment ou pourquoi une annonce particulière semble le suivre partout sur Internet, pourquoi il est si difficile de trouver le bouton pour fermer les fenêtres pop-ups (en particulier sur les écrans mobiles), ou quelles données sont fournies aux annonceurs et par qui. Le marché de la publicité numérique est si compliqué, qu’il n’est pas étonnant que tant de consommateurs veuillent contourner le système.

Au lieu d’éduquer les consommateurs il serait donc peut-être plus pertinent de pratiquer une plus grande transparence dans la publicité.

Et au-delà d’une créativité accrue et d’une plus grande pertinence, il serait peut être temps pour l’industrie de s’engager à faire de l’amélioration de l’expérience utilisateur une priorité.

Sources :
marketingmagazine.co.uk

 

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